• Mortalité routière des batraciens au Pont de Mons

    Extraits mis à jour d'un document réalisé par la LPO Meurthe-et-Moselle

     

    Aujourd'hui dans le monde 1 espèce d'amphibiens sur 3 est menacée de disparition. En France, bien que protégés, leur nombre ne cesse de diminuer et les activités humaines sont la cause principale de cet état de fait. On peut citer la destruction de leurs habitats, comme le comblement des mares, la pollution des eaux, ou bien encore le trafic routier qui entraine un fort taux de mortalité pendant les migrations nuptiales au printemps.

    Pourtant, ces animaux jouent un rôle important au sein de la chaîne alimentaire et dans l'équilibre des écosystèmes. En effet, à tous les stades de leur vie, ils sont la proie de nombreux prédateurs comme les poissons, les reptiles, les oiseaux ou bien encore les mammifères. A leur tour ils sont de précieux auxiliaires pour le jardinier en régulant les populations d'insectes, qui constituent une bonne partie de leur régime alimentaire, et dont certains peuvent causer des dommages aux cultures lorsqu'ils sont trop nombreux. De plus, on trouve les amphibiens dans des milieux variés tels que les tourbières, les prairies, les landes, ou les forêts. Fragiles car très sensibles aux modifications de leur environnement, ils constituent, bien malgré eux, d'excellents bio-indicateurs de la qualité de ces écosystèmes aquatiques et terrestres. Il est donc important que chacun d'entre nous soit sensibilisé et conscient de la nécessité de mener des actions de préservation en faveur de ces animaux et de leurs habitats.

    Les amphibiens, également appelés batraciens, sont des animaux vertébrés à peau nue et généralement humide. Celle-ci peut sécréter du venin pour les protéger de leurs nombreux prédateurs mais il s'avère inoffensif pour l'homme. Ces animaux sont dit à sang froid car ils ne régulent pas eux même leur température corporelle, elle varie en fonction des conditions climatiques extérieures. Ainsi, lorsque le thermomètre descend trop bas, bien en dessous des 4 degrés, les amphibiens commencent à s'engourdir et entrent en léthargie. Pour se protéger des rigueurs de l'hiver, ils passent toute la mauvaise saison en forêt où ils hivernent cachés sous une souche, dans un trou de rongeur ou bien enfouis dans la vase des points d'eau (mares, étangs). Ils restent ainsi sans manger jusqu'à leur réveil au printemps.

    La migration nuptiale des amphibiens

    Chaque fin d'hiver voit se jouer le même et immuable scénario. Dès février-mars, à la faveur d'un radoucissement des températures et d'une averse, les amphibiens sortent de leur long sommeil et rejoignent en nombre le point d'eau qui les a vus naître pour à leur tour se reproduire. C'est la migration prénuptiale. Ce phénomène concerne tous les amphibiens, que ce soit les Anoures ou les Urodèles, mais à une échelle variant de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres. Ainsi, le Crapaud commun peut parcourir jusqu'à 5 kilomètres pour revenir sur son site de reproduction. Ces mouvements migratoires commencent dès la tombée de la nuit. La date de début des migrations vers les lieux de ponte est très variable d'un endroit et d'une année à l'autre, car elle dépend des conditions météorologiques.

    Arrivés à destination, parfois en chemin, les amphibiens forment des couples, les mâles d'Anoures attirant les femelles grâce à des chants plus au moins audibles suivant les espèces. La reproduction à proprement parler a lieu dans l'eau où les femelles pondent jusqu'à plusieurs milliers d'oeufs qui forment des chapelets ou des grappes selon qu'ils appartiennent à des Crapauds ou à des Grenouilles. Les femelles de Tritons pondent 200 à 300 oeufs qu'elles cachent un à un dans la végétation aquatique pour les protéger des prédateurs.

    Une fois la reproduction terminée les amphibiens quittent plus ou moins rapidement le point d'eau et se dirigent vers leur quartier d'été où ils resteront toute la belle saison (migration postnuptiale) avant de retrouver leur site d'hivernage à l'automne. Les tritons s'attardent dans l'eau une bonne partie de l'été contrairement au Crapaud commun qui rejoint la forêt dès la fin de la reproduction. Alors que la migration prénuptiale peut se dérouler en un laps de temps très court avec le passage de plusieurs centaines d'individus en quelques jours, la migration postnuptiale est plus diffuse dans le temps et passe donc souvent inaperçue.

    Ces dernières décennies, la multiplication des infrastructures routières a énormément morcelé les habitats de la faune sauvage. Ainsi, beaucoup trop souvent, les sites d'hivernage et de reproduction des amphibiens se retrouvent séparés par une route. La traversée de celle-ci entraîne une mortalité élevée des reproducteurs mettant en danger la survie de toute la population. En effet, la bibliographie mentionne qu'un crapaud peut mettre 20 minutes pour traverser une route et qu'avec seulement une voiture par minute, c'est jusqu'à 80% des individus de la population qui disparaissent.

    Pont de Mons

     Photographie : Pascal Dubois

    Amphibiens et mortalité routière au Pont-de-Mons

    Le hameau du Pont-de-Mons sur la commune de Bezaumont se trouve à la confluence de la Natagne et du canal de l’Obrion. Depuis plusieurs années des habitants ont constaté des écrasements d'amphibiens sur la Départementale 40, au niveau de la sortie du hameau en allant vers Autreville-sur-Moselle. En effet, les amphibiens sortent de la forêt où ils ont passé l'hiver et traversent la route pour aller se reproduire dans le canal de l'Obrion et sa zone humide, ainsi que dans l'étang en contre bas. Le secteur de route concernée s'étale sur presque un kilomètre à partir du panneau de sortie du hameau en direction d’Autreville-sur-Moselle.

    Emus par le spectacle de ces dizaines de batraciens trouvés morts en quelques jours plusieurs amoureux de la nature ont décidé de limiter l'hécatombe en aidant ceux-ci à traverser. Ainsi depuis 2007, dès le début de la migration, chaque soir durant plus d'un mois, et quelque soit les conditions météo, habillées de gilets fluorescents et munies de seaux trois ou quatre personnes sillonnent la route sur la totalité du linéaire afin d'intercepter les amphibiens dans leur périple et de les transférer sur leurs sites de reproduction en toute sécurité. Ce sont ainsi plus de 900 individus en 2008, 1800 en 2009 et 2500 en 2010. Mais cette tâche est fastidieuse surtout lors de pics de migration où 500 individus peuvent être récoltés en une seule nuit. A l'aide de tracts de sensibilisation, un renfort de bras avait été demandé aux riverains sans beaucoup de succès. Pour l'instant 3 espèces d'amphibiens ont été recensées dans les seaux : le Crapaud commun, la Grenouille rousse et le Triton palmé.

    Pont de Mons

    Photographie : Pascal Dubois

    Malgré l'efficacité du système de sauvetage débuté au Pont-de-Mons et toute la bonne volonté de ces quelques personnes bénévoles, cette méthode ne peut pas perdurer sur le long terme car elle demande une grande disponibilité. De plus le ramassage n'a pas lieu toute la nuit et laisse des amphibiens à la merci des roues des voitures. Sans compter qu'elle pose aussi un problème de sécurité pour les personnes qui ramassent. Il est donc indispensable d'envisager, avec l'aide des collectivités locales, d'autres solutions pour les migrations à venir.

    Différents dispositifs anti-écrasements peuvent être utilisés. Chacun d'entre eux présentent des avantages et des inconvénients qu'il faut savoir peser pour atteindre un maximum d'efficacité tout en ayant un minimum de contraintes. Avant de faire un choix il est important de bien étudier la configuration des lieux du tronçon de route à équiper afin d'utiliser le ou les dispositifs les mieux adaptés au site et au contexte social rencontré.

    Les barrières-pièges

    Ce dispositif, actuellement étudié par le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle pour le Pont-de-Mons, consiste à mettre en place le long de la route des filets de capture, fixés sur des piquets. La base des filets est enfouie dans le sol de façon à ce que les amphibiens la longent et tombent dans des seaux ou des pots accolés aux filets et enterrés jusqu'à leur bord supérieur. Les seaux sont généralement espacés les uns des autres de 15 à 20 mètres. Ce système présente des avantages (efficacité, faible coût à court et moyen terme, identification des axes de migration des amphibiens, recensement des espèces de manière exhaustive) mais a aussi des contraintes puisqu'il demande un investissement en temps assez conséquent et donc la mobilisation de plusieurs personnes, que ce soit pour son installation ou son suivi. En effet, une fois en place les seaux doivent être visités tous les jours y compris le week-end et cela pendant toute la durée de l'opération, soit plusieurs semaines.

    Les panneaux temporaires de signalisation

    Dès cette année, des panneaux temporaires de signalisation seront disposés à chaque une des extrémités de la portion de route concernée afin de sensibiliser et de prévenir les usagers de la route du passage nocturne des amphibiens. Ces panneaux ont le double avantage de réduire la mortalité des amphibiens et de signaler le danger aux automobilistes qui peuvent être surpris de cette présence inattendue sur la chaussée. De plus, celle-ci peut devenir glissante lorsque le nombre d'écrasements est trop important. Signalons toutefois qu'à elle seule cette solution est peu efficace et doit être couplée avec d'autres dispositifs.

    La fermeture de la route

    La solution de fermer la route pendant la migration doit être examinée. En effet, un petit détour par la D44 en arrivant à hauteur de la commune de Millery est possible, de même dans l'autre sens par la D10 en allant sur Ville-au-Val. Ce détour ne représente que 5 kilomètres et la fermeture de la route de 19 heures à 7 heures du matin stopperait la mortalité des amphibiens du site. Cette solution est d'autant plus envisageable que la portion de route concernée par la fermeture ne dessert aucune habitation. Les barrières pourraient être mises en place et enlevées chaque jour par des bénévoles.

    Les casse vitesse temporaires

    Des casse vitesse temporaires permettraient d'atténuer l'effet de la grande ligne droite. Ceux-ci sont efficaces si le trafic n'est pas trop important. Ils doivent être placés de manière à ramener la vitesse à 30 km/h afin que les amphibiens ne soient pas soulevés et projetés contre le bas de caisse de la voiture par l'effet de la force centrifuge.

    Sensibilisation du public

    Quelle que soit la ou les solutions retenues pour le site du Pont-de-Mons, la Ligue pour la Protection des Oiseaux de Meurthe-et-Moselle se propose d'accompagner cette action de protection des amphibiens d’un travail de sensibilisation et d’information des riverains et des utilisateurs de la route: réalisation et distribution de plaquettes de sensibilisation, animations auprès des scolaires de la Communauté de communes du Grand Valmon, conférence grand public.

    Pont de Mons

    Nous l'avons vu plusieurs solutions existent pour limiter la mortalité des amphibiens sur cette routes Bien sûr elles impliquent toutes, plus ou moins, un investissement tant humain que financier. Mais c'est aussi un investissement dans le patrimoine naturel des générations futures.
    Protéger les amphibiens s'est contribuer à préserver une part de cette biodiversité qui s'appauvrit un peu plus chaque jour  Il est important de se mobiliser tous ensemble dès maintenant pour que les espèces communes d'aujourd'hui ne soient pas les espèces rares de demain. Pont de Mons

    Pour en savoir plus sur les batraciens en Lorraine : Batrachos