• La terre en héritage

    La terre en héritage

    La terre en héritage par Jean-Marie Pelt


    Vendredi 14 janvier 2005 à 20 h 30
    Salle du Courail à Loisy

     

    Jean-Marie Pelt, pharmacien agrégé, est un botaniste-écologiste de renom. D'abord professeur de biologie végétale et de cryptogamie à la faculté de pharmacie de Nancy jusqu'en 1972, il fonde cette année-là, à Metz, l'Institut Européen d'Ecologie, et enseigne la botanique et la physiologie végétale à la faculté des sciences de l'université de Metz. De nombreuses missions scientifiques à l'étranger (Afghanistan, Togo, Dahomey, Côte d'Ivoire, Maroc, etc.) l'amènent à s'intéresser aux pharmacopées traditionnelles de ces pays. Aujourd'hui, il est très sollicité pour tous les problèmes généraux concernant l'environnement et l'écologie (qualités alimentaires, OGM, forêts, réchauffement climatique, etc.).

    Jean-Marie Pelt est connu pour ses nombreux ouvrages traitant du monde des plantes ou d'écologie et pour ses séries télévisées. Il est également un homme de radio et nombreuses sont les émissions ou les séries auxquelles il a participé.

    Pour en savoir plus :
    Sur Terre sacrée, un entretien réalisé en mai 2001 à l'occasion de la sortie du livre "La terre en héritage".

    Jean-Marie Pelt a commencé sa conférence en évoquant le tsunami du 26 décembre dernier. Selon les connaissances scientifiques actuelles, on ne peut pas considérer l'homme comme responsable des mouvements des plaques continentales. Mais la vague qui a suivi le séïsme aurait pu être prévue, et on peut espérer qu'un système de surveillance et d'alerte semblable à celui qui existe pour l'océan pacifique va être mis en place dans l'océan indien.

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    Les tempêtes et très fortes pluies de ces dernières semaines n'ont pas attiré l'attention de la même manière. Pourtant, depuis une vingtaine d'années, les catastrophes météorologiques sont de plus en plus nombreuses. Sont-elles dues au réchauffement climatique ? La température sur l'ensemble de la planète a augmenté d'un degrès au cours du XXème siècle. De tout temps, le climat a changé suivant la position de la terre par rapport au soleil, mais le changement actuel est très rapide, problablement à cause de l'activité humaine. Les gaz que nous émettons provoquent un effet de serre qui réchauffe notre planète. Nous avons brûlé en 200 ans tout le carbone qui s'est stocké sous la terre pendant des millions d'années, et ainsi fortement changé la composition de l'atmosphère.

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    Les petits états insulaires sont très inquiets vis-à-vis de la montée du niveau des mers, qui est une des conséquences de ce réchauffement climatique. On prévoit une augmentation de six degrès de la température d'ici 2100, qui posera de nombreux problèmes. Les objectifs du protocole de Kyoto sont insuffisants pour enrayer cette évolution.

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    Pour réduire ces émissions de gaz à effet de serre, il faudrait, entre autre, développer les transports en commun et le co-voiturage. Il est également important d'utiliser la marche à pied le plus souvent possible, et surtout de donner cette habitude aux jeunes qui sont destinés à passer beaucoup de temps immobiles devant des écrans de télévision ou d'ordinateur, ce qui est inquiétant pour leur santé.

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    Le ferroutage est une solution évoquée depuis très longtemps par les hommes politiques, mais n'est manifestement pas destiné à se mettre un jour en place en France. On envisage aussi de planter des arbres qui stockeraient du gaz carbonique de l'atmosphère. Or il se trouve qu'actuellement, on détruit plus de forêts qu'on n'en plante, ce qui, par ailleurs, crée des déserts qui sont, eux aussi, cause de modifications climatiques.

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    Les habitants des forêts tropicales que l'on détruit perdent leur milieu de vie et les savoirs spécifiques qui sont associés à leur culture. Nous perdons également des espèces vivantes qui disparaissent définitivement. Il faut avoir conscience du fait que, si nous pouvons nous passer de la technologie, nous ne pouvons pas vivre sans la nature. Cette notion qui, bizarrement, n'est pas une évidence pour tous, devrait faire partie des fondamentaux de l'éducation des enfants.

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    Les guérisseurs du Yémen, par exemple, connaissent les vertus thérapeutiques des plantes locales. Des études en laboratoire ont montré la réalité des effets qui sont connus d'eux par l'expérience pratique. Leurs connaissances, acquises par des moyens différents de nos recherches scientifiques, sont tout aussi utiles que les nôtres et il faut conserver ces savoirs.

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    Les molécules chimiques que nous avons inventées au cours du XXème siècle sont, pour certaines, toxiques. En Europe, l'exposition à ces molécules, et ses conséquences sur notre santé, est un des principaux problèmes écologiques actuels. La très forte augmentation des cancers, par exemple, est probablement liée à la présence de molécules cancérigènes dans notre environnement. Un plan de prévention du cancer ne peut être efficace que s'il prévoit des études sur les nombreuses substances suspectes, et leur élimination si leur dangerosité est prouvée.

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    Les pesticides ont été mis en cause dans les difficultés de reproduction de certaines espèces animales. Les recherches ont prouvé que la présence de ces substances, qui ont des effets d'hormones femelles, dans notre alimentation diminue la capacité reproductrice des hommes et favorise les naissances de bébés présentant des malformations sexuelles. Ce fait avéré pour les chercheurs scientifiques n'est pas assez connu du grand public.

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    Le monde sans désir que nous nous préparons paraît difficile à imaginer. Il faut absolument que la France prenne des décisions pour réduire les quantités de pesticides dans notre environnement. Sinon, dans 50 ans, les hommes seront probablement tous stériles. Grâce au film récent sur les homo-sapiens, nous savons que la morphologie de l'être humain a évolué depuis cette époque, mais on voit que cette évolution se poursuit particulièrement vite actuellement.

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    Les jeunes d'aujourd'hui ont de très petites machoires. Ceci est sans doute dû au fait que ce que nous mangeons est mou. Nous n'avons plus besoin de bonnes machoires. Ainsi, les menus proposés par les Mac Do ne nécessitent pas de mastication. En outre, ils sont mal équilibrés et n'ont pas de goût.

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    Une alimentation convenable, saine et variée, est indispensable. La nourriture ne doit pas être un simple carburant. Les repas peuvent aussi être un temps de convivialité et de plaisir. C'est une habitude que nous devons veiller à transmettre à nos enfants.

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    Les OGM sont à proscrire dans l'agriculture et dans l'alimentation. Les OGM utilisés sont brevetés par quelques multinationales et ne nécessitent pas d'autorisation de mise sur le marché. Si la protection par brevet n'existait plus, et que des enquêtes de toxicité étaient exigées, les OGM ne seraient plus une bonne affaire sur le plan financier et disparaîtraient immédiatement.

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    Pour que les consommateurs aient le choix de consommer ou pas des aliments contenant des OGM, il était important d'exiger les obligations d'étiquetage et de traçabilité qui ont été obtenues. Mais il faudrait également tester les effet de l'introduction d'OGM sur l'environnement et la santé. Les autorisations de mise sur le marché après tests toxicologiques n'ont pas pu être imposées pour l'instant.

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    Les OGM sont des plantes qui contiennent des pesticides, ou qui leur sont tolérantes et donc peuvent en recevoir sans mourir. On ne sait pas actuellement quels conséquences peut avoir la consommation de ce type de plantes sur notre santé. Il faudrait des enquêtes sur des temps longs. Pour les pesticides par exemple, on n'a découvert les effets néfastes qu'après 50 ans d'utilisation.

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    L'amiante, qui aura coûté 100 000 vies en France, est un autre exemple. Pour les OGM, on a fait un petit essai sur des rats, dont les résultats n'étaient pas positifs. Il faudrait des essais plus importants. Mais les scientifiques, qui sont financés par l'industrie, ne peuvent pas militer dans ce sens.

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    Les essais en champs ne sont pas acceptables parce que les plantes OGM risquent de contaminer les autres plantes, et on ne sait pas quels pourraient être les conséquences sur la biodiversité. Ces essais n'ont pas pour but d'en savoir plus sur ce point, mais de tester des procédés agrologiques et d'évaluer des rendements. Il n'y a presque pas de culture OGM en Europe, car les consommateurs y sont dans l'ensemble hostiles et qu'il n'y a donc pas de marché pour vendre ce type de produit. La culture d'OGM résistant aux pesticides entraîne un augmentation de l'utilisation de ces produits. En particulier, le Roundup, qui, contrairement à ce qu'on pense souvent, est un pesticide comme les autres, et dont les effets ne sont pas neutres.

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    Après ce bilan, il faut prendre conscience du fait que le changement de nos comportements est indispensable pour que nous vivions tous bien sur cette planète. Il faut abandonner l'idée de croissance et pratiquer le développement durable. La première étape de ce changement radical est l'évolution des comportements quotidiens des citoyens. Chacun d'entre nous doit être acteur en quitter l'esprit de compétition qui anime la société libérale au profit d'attitudes solidaires.

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    Jean-Marie Pelt termine sa conférence en évoquant Théodore Monod qui disait être pessimiste pour l'avenir de l'espèce humaine qui est trop agressive. Tout le monde est d'accord sur le principe du précepte "aimez-vous les uns les autres", mais malheureusement, personne ne le met en pratique.

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    Jean-Marie Pelt a ensuite gentiment accepté de répondre aux questions posées par le public.

    Q : Comment concilier l'agriculture actuelle et l'agriculture biologique en préservant des marges rentables pour les agriculteurs ?

    R : La volonté politique de développer l'agriculture biologique n'existe pas en France. Il faudrait que les agriculteurs bios soient aidés comme les autres. Nous achetons des produits bios à l'étranger, alors que nos paysans bios ne sont pas assurés d'écouler leur production, faute de circuits de distribution bien organisés. Tout reste à faire dans ce domaine.

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    Q : Y a-t'il un avenir pour l'agro-bio si les OGM se développent et contaminent l'environnement ? Quels recours pour les bios ?

    R : Effectivement, bio et OGM ne sont pas compatibles. C'est un problème juridique qui est en débat actuellement. Les maires qui ont pris des arrêtés interdisant les essais OGM sur leurs communes pour protéger les productions d'agriculteurs biologiques ont eu raison devant les tribunaux administratifs. Pour plus d'informations, on peut consulter le site du Crii-gen, groupe de chercheurs scientifiques indépendants.

    Q : L'interdiction des cultures OGM sera-t'elle possible à l'échelle de l'Europe ?

    R : Le moratoire en Europe n'est plus appliqué actuellement. Les états ne sont pas d'accord entre eux et le problème des OGM au niveau européen est un peu enlisé.

    Q : Un conseiller régional précise que la Région Lorraine a voté une motion et soutient les maires qui ont besoin d'aide dans leur démarche d'interdiction des OGM pour raison de santé publique.

    Q : Pourquoi n'y a-t'il pas d'essais de toxicité réalisés par les opposants aux OGM ?

    R : Parce qu'ils n'en ont pas les moyens financiers. La recherche publique manque de crédits. Le Crii-gen recherche actuellement un million d'euros dans ce but.

    Q : On parle de tournesol OGM pour remplacer le pétrole. Que pensez-vous des biocarburants à base de végétaux OGM ?

    R : Il y a moins d'inquiétude pour la santé humaine dans le cadre de ces utilisations des OGM que quand il s'agit d'alimentation. Il y a actuellement beaucoup d'espèces OGM qui apparaissent, simplement parce que les chercheurs obtiennent plus de crédits s'ils font des manipulations génétiques. Mais en réalité, 99% des OGM sont des plantes contenant ou étant résistantes aux pesticides. Les risques de pollution génétique restent les mêmes pour tous les types de plantes OGM.

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    Q : Fauchage volontaire, désobéissance civique, résistance de certaines communes ou régions, que pensez-vous de ce type de résistance ? Y a-t'il d'autres leviers politiques par rapport à la culture des OGM ?

    R : L'opposition est aujourd'hui très forte. Elle est soutenue par de nombreuses associations. Je comprends très bien la position des gens qui fauchent les champs OGM et s'exposent ainsi à des sanctions. Le niveau de ces sanctions est choquant.

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    Q : Quelle peut être l'incidence des OGM sur la vie des abeilles ?

    R : Aucune idée, cela fait partie des recherches qui ne sont pas faites.

    Q : Les OGM ne sont-ils pas un phénomène de mode ? Toute l'agriculture est basée sur les manipulations génétiques, pour la création de nouvelles variétés. Quand l'horticulture introduit des plante exotiques, ce sont de nouveaux gènes qui arrivent. L'agriculture a créé des vaches qui ne ressemblent en rien aux vaches d'origine. Pourquoi fixe-t'on ainsi l'attention sur les OGM ?

    R : Depuis le néolithique, l'agriculture a toujours amélioré les plantes par croisements. Mais on croisait du blé avec du blé. Avec les OGM, on croise entre elles des espèces différentes sans tenir compte des affinités de la nature. Les hybrides produits par transgènèse sont d'une sorte totalement nouvelle. Ils ne pourraient pas exister naturellement. Il faut prendre de grandes précautions avec ce qu'on fait, car on n'a aucune expérience dans ce domaine qui est radicalement nouveau.

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    Q : Le vaccin contre l'hépatite B est fabriqué par une bactérie génétiquement modifiée. Pourquoi n'en parle-t'on pas ?

    R : Il existe beaucoup de médicament qui sont fabriqués ainsi. Les bactéries ne fonctionnent pas comme les autres espèces. Les bactéries n'ont pas de noyaux et leurs gènes passent de l'une à l'autre naturellement. De plus ces expériences et manipulations se font en milieu confiné sans risque de contamination. Ce domaine est maîtrisé depuis 40 ans environ.

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    Q : Les agriculteurs et les politiques parlent de plus en plus d'agriculture raisonnée. Que pensez vous de ce type d'agriculture ?

    R : C'est plutôt mieux que le productivisme. C'est un progrès d'utiliser moins d'engrais chimiques. Mais c'est dommage de penser que l'agriculture biologique n'a aucun avenir. L'agriculture raisonnée, c'est bien. L'agriculture biologique, c'est encore mieux.

    Q : Si demain tous les agriculteurs se mettent au biologique, quelles seront les réserves alimentaires dont nous disposerons ?

    R : Il n'est pas envisageable que tous les agriculteurs passent au bio du jour au lendemain. Cette évolution ne peut être que très lente et nous ne risquons pas de disette. Si le dossier des pesticides continue à s'alourdir comme il le fait depuis deux ans, il va bien falloir arrêter de les utiliser et changer de façon de procéder. Il faut absolument que les agriculteurs prennent l'habitude de se protèger contre les pesticides et se dirigent vers une utilisation moins grande pour, à terme, les exclure totalement. Tout changement est possible, mais il faut le faire progressivement.

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    Q : Pourquoi l'enseignement agricole ne parle-t'il pas de l'agriculture biologique à ses élèves ?

    R : Il n'y a pas de volonté politique sur ce point. Certaines collectivités locales prennent au sérieux le développement durable, mais au niveau national il n'y a aucune volonté sur ce thème. C'est donc très difficile d'être agriculteur biologique.

    Q : Quand on a commencé à faire de la culture OGM, on est contraint de continuer dans cette filière. La reconstruction agricole de l'Irak va se faire avec des semences américaines. Pour les pays asiatiques qui viennent de subir le tsunami, ça va être la même chose. On va leur imposer une certaine agriculture.

    R : Effectivement, les américains souhaitent imposer la solution OGM partout. Quand ils proposent leur aide à un pays en difficulté, c'est sous la forme d'OGM. Pour cette raison, le Zimbabwe a récemment refusé cette aide. En effet, une fois qu'on a commencé à cultiver des OGM, on devient dépendant du fournisseur de semences. Le monopole de Monsanto est effrayant.

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    Q : La question politique qui se pose sous ce débat des OGM, c'est celle de la régulation des technosciences dans notre civilisation. Comment contrôlons-nous l'évolution des sciences, comment faire pour que ce contrôle reste démocratique. Le conseil général de Meurthe-et-Moselle a pris une délibération pour que le département soit zone non-OGM et organise un débat publique contradictoire sur ce sujet. La démarche de développement durable est très complexe à mettre en oeuvre. La volonté politique ne suffit pas, elle ne peut s'exprimer que si la volonté démocratique est là aussi. L'essentiel du changement est bien en nous. Notre comportement au moment des soldes, par exemple, est en totale contradiction avec ce qui vient d'être dit ce soir.

    R : Effectivement, personne ne contrôle le progrès technique. Les entreprises doivent faire des bénéfices. Elles ont besoin pour ça des scientifiques. Les scientifiques ne sont plus des hommes libres et indépendants. Ils sont liés aux intérêts économiques, la recherche publique n'ayant presque plus de moyens. Il n'y a plus d'experts indépendants, et ça pose de graves problèmes comme par exemple l'absence d'études de toxicologie sur les OGM ou l'absence de recherches sur l'agriculture biologique. Il faut maintenir une recherche autonome afin d'obtenir des expertises fiables sur les grands problèmes de santé.

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    Q : La présence de pesticide dans les OGM ne les condamne-t'elle pas si on prouve la nocivité de ces produits ?

    R : Il faudrait prouver qu'ils ont des effets nocifs. Il faut poser ces questions dans le cadre du principe de précaution. Il faut que ces recherches soient faites.

    Q : Sur le plan de l'alimentation : le poisson n'est-il pas lui aussi pollué par les pesticides et les métaux lourds ?

    R : On ne pèche plus dans les endroits contaminés. On mange généralement du poisson de haute mer où la pollution est très rare. Le problème, c'est la diminution des ressources en poisson, mais ça fait partie de notre situation générale aujourd'hui. Toutes les ressources de la planète s'épuisent rapidement. Il faut revoir notre mode développement, arrêter le gaspillage, pour permettre aux générations futures d'avoir aussi accès à ces ressources.

    Q : Sur la santé : que sont les phtalates ? Cela concerne-t'il toutes les matières plastiques ? Qu'en sait-on à propos du cancer ?

    R : Ca ne concerne pas toutes les matières plastiques. C'est une famille de molècule dont il faut se méfier car on la suspecte fortement d'effets cancérigènes. Tout comme les hydrocarbures polycycliques (goudrons, pétroles lourds).

    Q : Pourquoi n'enseigne-t'on plus l'herboristerie ?

    R : On ne l'enseigne plus depuis 1941, date de la suppression du diplôme d'herboriste. Je suis pour qu'on rétablisse cette formation. Il y a une forte pression de la part des pays européens qui ont des diplôme d'herboriste ou de naturopathe. Il est donc possible que cette formation se remette en place en France dans les années qui viennent.

    Q : Des grands distributeurs font leur publicité à partir de l'élimination des sacs plastiques, et prônent l'utilisation de sacs biodégradables. On dit que ce n'est pas la solution. Quels sont les problèmes posés par les sacs biodégradables ?

    R : Il y a une inflation incroyable des sacs en plastiques qui mettent 500 ans à se dégrader. Certains plastiques sont recyclés, mais pas ceux-là. Les sacs biodégradables sont préférables, mais le mieux est d'utiliser des sacs en toile ou des paniers comme ça se fait en Allemagne.

    Q : La réforme de l'enseignement qui se prépare prévoit un socle commun qui contient beaucoup de français et de maths, pour très peu de géographie et de sciences de la vie et de la terre. Ces matières devraient être plus développées.

    R : Je suis d'accord. On n'a pas mis de science de la vie, de biologie, d'éco-citoyenneté, d'éthique dans le socle commun de l'enseignement. C'est un oubli très facheux. Les mathématiques ne servent qu'à 3 ou 4 % de la population.

    Q : Notre société est très sécuritaire. A ce titre, on chlore l'eau. Quelles sont les répercussions sur l'humain et l'animal ?

    R : Si l'eau contient peu de matières organiques, le chlore se contente de tuer les bactéries. Si l'eau contient beaucoup de matières organiques, il se forme des combinaisons appelées chloramines qui ne sont pas neutres. Il faut se contenter de quantités de chlore modestes. L'épuration par l'ozone est moins risquée. La chloruration ne devrait être utilisée que dans les pays du sud où l'eau est très contaminée et où la dépollution par le chlore est nécessaire.

    Q : Sur l'effet de serre : y a-t'il aux Etats-Unis des mouvements qui pourraient influencer le gouvernement ?

    R : Les Etats-Unis sont responsables de 26 % de la pollution de l'air par le gaz carbonique. Il est très embêtant qu'ils soient hostiles au protocole de Kyoto. Mais M. Bush fait tout simplement la politique des lobbies industriels qui l'ont élu. Il y a cependant des mouvements sur la cote est et sur la cote ouest qui tentent de contester cette position, et des chercheurs écologistes.

    Q : Sur les prémisses de changements en Chine.

    R : Les chinois n'ont plus de sagesse, et il leur manque également la démocratie. Les jeunes chinois sont boulimiques de consommation.

    Q : Notre espérance de vie a-t'elle atteint son point culminant ?

    R : Nos enfants n'irons pas aussi loin que nos personnes agées qui ont subit la sélection naturelle, qui ont survécut aux maladies infantiles sans antibiotiques. Il n'y a plus de sélection par mortalité infantile. L'espérance moyenne de vie ne va plus progresser. Elle est stoppée depuis 2003.

    Q : L'impact des activités militaires sur le bilan écologique mondial est-t'il connu ? Pourquoi n'en parle-t'on jamais ?

    R : Les guerres engendrent de grandes pollutions. Comme pour les autres domaines, le principe de précaution devrait imposer d'évaluer tous les effets d'une nouvelle technologie avant son utilisation.

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    Q : Sur le développement durable : les actions entreprises par les grands groupes (Peugeot, Ikéa) restent du développement. Ne faudrait-il pas entièrement mettre en cause le développement ? Qu'en est-il de la décroissance soutenable ?

    R : Plutôt que parler de développement durable, il faudrait parler d'économie équilibrée. L'idée du développement est terrible. Même si la majorité des gens ne pense pas que tout progrès technique est un mieux, on arrive à nous imposer cette idée, à rendre indispensable toute nouveauté, à créer sans cesse de nouveaux besoins. L'Egypte ancienne et la Chine ancienne avaient pour principe fondamental de ne jamais rien changer. Ca leur a permis de fonctionner pendant 4000 ans. Notre processus de croissance illimitée ne tient pas compte des limites de la terre et ne peut pas fonctionner indéfiniment. La croissance économique est un leurre. Elle épuise les ressources de la planète. Le mot décroissance est un terme provocateur qui effraye les gens et je ne l'utilise donc pas. Je préfère parler de développement qui tienne compte du social, de l'économique, de l'environnemental, des rapports nord-sud et des générations futures.

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