• L'idéologie publicitaire

    L'idéologie publicitaire

    L'idéologie publicitaire
    par François Brune


    Vendredi 3 février 2006 à 20 h 30
    Salle du Couarail de Loisy

     

    La publicité est omniprésente. Elle envahit notre espace quotidien. Elle nous impose un “mode d’emploi” uniforme de l’existence. Elle génère une violence possessive de nos sociétés sur toutes les richesses de la planète.

    François Brune, enseignant et écrivain, est membre de l'association Résistance à l'Agression Publicitaire. Il collabore au Monde Diplomatique.

    Pour en savoir plus :

    Sur Hacktivist, un entretien avec Arnaud Gonzague (janvier 2005)

     

    La publicité peut être analysée depuis différents points de vue : celui du publicitaire, celui du consommateur, celui de l'économiste. Mais si on approfondit la critique, on voit qu'elle diffuse une idéologie dominante et répand sa façon de voir le monde.

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    Le premier niveau d'influence de la publicité est celui du conditionnement à l'achat. Il nous fait croire que nous avons certains besoins, certaines envies.

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    Le second niveau est celui de la conduite de consommation. En choisissant un produit plutôt qu'un autre, on fait tout de même le choix d'acheter. La publicité nous fait considérer comme naturels et spontanés des comportements qui ne répondent pas à des besoins réels, mais à des envies d'imiter les autres ou d'avoir une impression d'ascension sociale.

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    Dans un troisième niveau, la publicité nous dit comment être heureux. On trouve dans les messages des thèmes qui reviennent souvent. Le premier est celui du désir sexuel. Les publicitaires espèrent détourner les pulsions inassouvies vers l'achat.

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    Les autres thèmes fréquents sont le consensus sur certains produits, la célébration de la nouveauté, le devoir de jouissance. De nombreuses publicités donnent l'illusion que les produits donnent la puissance, qu'ils résoudront tous les problèmes, voire qu'ils apportent la vie elle-même.

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    La publicité réduit les valeurs les plus morales aux produits. Elle fait croire que les marques nous donnent notre identité. Ainsi, nombreux sont les produits qui prétendent nous ressembler. Elle entretient l'illusion que la croissance du niveau de vie entraîne la croissance de l'être.

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    La publicité récupère le féminisme, l'écologie... Les grandes valeurs sont utilisées pour faire vendre. L'information et l'événement sont également récupérés. Le fait que ce qui est promis n'est pas réellement apporté par les produits génère une frustration constante. Face à ce malaise, on peut décider de ne plus consommer, ou au contraire acheter toujours plus. On entretien alors une insatisfaction qui peut conduire à des comportements violents.

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    La publicité fait croire qu'elle est un mode de communication, alors qu'elle cherche uniquement à influencer les gens, sans permettre de retour. Ce modèle a influencé les campagnes humanitaires et politiques, supprimant explications et contenus au profit de stratégies d'image.

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    A un quatrième niveau, elle influence notre mode de pensée. Elle utilise abondemment les mots "pensée" et "esprit" pour ajouter du sens à des produits qui n'en ont pas. Elle incite surtout à ne pas réfléchir et use de l'oxymore et de la tautologie pour laisser croire que tout peut être dit sur n'importe quoi. Ces procédés provoquent un brouillage des idées.

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    Le système publicitaire est impérialiste. Il s'est imposé progressivement à la télévision. On peut voir aujourd'hui plusieurs heures de spots publicitaires par jour qui, avec le soutien des feuilletons, diffusent de façon prégnante leur modèle d'existence.

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    Les journalistes sont complices en faisant admettre que la publicité est indispensable, inévitable et que les français sont devenus publiphiles.

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    Ils considèrent qu'elle fait partie de notre monde, qu'elle est le reflet de notre société, que nous devons nous y adapter. Eux-mêmes se sont adaptés en relayant son discours qui incite à la surconsommation et nous dit sans cesse que le monde est une marchandise.

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    François Brune s'est ensuite prêté au jeu des questions posées par le public.

    Q : Savez-vous quand France-Culture diffusera des publicités ?

    R : Je ne sais pas, mais ça ne peut que venir un jour. France-Inter est l'exemple de la dérive vers un seul discours, celui de la sacralisation de la croissance.

    Q : On entend souvent des chefs d'entreprises dans des émissions d'information

    R : Le monde néolibéral prend possession de notre esprit par la publicité, mais aussi par la présence fréquente dans les medias des chefs d'entreprises qui diffusent la même idéologie. Ce fait ne nous prépare pas à changer de mode de vie.

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    Q : Pouvez-vous nous parler de la décroissance ?

    R : La critique de la publicité mène forcemment à mettre en cause la marchandisation du monde. On se rend vite compte que la surconsommation ne rend pas heureux. Si on est sensibilisé à l'environnement, on sait que la planète est mise en danger par nos comportements et qu'il faut consommer moins. La société de croissance ne peut pas durer. Il y a d'autres formes à inventer. Il s'agit rechercher la décroissance économique, pour laisser croître nos dimensions humanistes. C'est ainsi que les "Casseurs de Pub" en sont venus à publier la revue "La Décroissance".

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    Q : Existe-t'il une loi réglementant la publicité à l'école ?

    R : Une circulaire donne la liberté d'informer aux entreprises et permet donc à la publicité d'entrer à l'école, et de donner une légitimité à la société de consommation. L'association "Résistance à l'Agression Publicitaire" mène en ce moment une campagne sur ce thème. Cette circulaire pourrait être annulée. Les enfants sont très influencés par la publicité qui leur apporte du rêve. L'éducation à la consommation passe par l'exemple donné par les parents.

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    Q : Un groupe anti-pub nancéien recherche des idées pour mener des interventions en milieu scolaire, et souhaite savoir si des expériences ont déjà été faites.

    R : C'est assez facile de faire comprendre aux jeunes comment fonctionnent les messages publicitaires par l'analyse du discours et de l'image. Ce qui est plus difficile, c'est de leur faire voir au-delà l'idéologie qui est sous-entendue.

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    Q : Nombreux sont ceux qui alertent sur le réchauffement climatique et la fin du pétrole. Pourquoi le discours politique ne reprend-t'il jamais le thème de la décroissance ?

    R : Il est difficile de parler de décroissance à ceux, et ils sont nombreux, qui ont déjà du mal actuellement à obtenir le niveau de vie qu'ils souhaitent. De plus, le terme de décroissance est souvent mal compris. Il se voulait provocateur, mais il éloigne ceux qui estiment que notre tendance naturelle est la croissance.

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    Q : Les Verts ont intégré la décroissance à leur programme politique. Il faudrait parler du fait que nous croyons que le travail et la production sont indispensable à la vie.

    R : Dans les années 70 on a beaucoup parlé du partage du travail et de la civilisation des loisirs. La menace de l'épuisement des ressources avait provoqué des réflexions sur notre mode de vie qui ont ensuite été oubliées. Nous croyons que notre travail, c'est notre identité. Nous pensons avoir de gros besoins car nous croyons indispensables des choses qui ne le sont pas.

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    Q : La publicité fournit aussi des informations. Où est la limite entre les deux ?

    R : Par la publicité, ce sont toujours les marchands qui s'expriment. Avant qu'on soit envahis par elle, on arrivait tout de même à se procurer ce dont on avait besoin. L'information donnée n'est pas complète : avant d'acheter un produit, il nous importe de savoir comment il a été fabriqué ou quels sont les déchets qu'il va produire. Les informations désavantageuses ne sont jamais fournies par la publicité.

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    Q : On ne peut pas nier que le progrès apporte du bien-être et du confort

    R : Effectivement, l'inventivité humaine permet des améliorations. Mais il faut toujours se demander si elles sont nécessaires et vraiment bénéfiques, sur le plan individuel, mais surtout sur le plan collectif. Actuellement, toute la recherche est basée sur l'énergie thermique, mais il y a des choses à inventer dans d'autres directions, plus respectueuses de l'environnement. C'est le progrès humain qui est important.

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    Q : On est de plus en plus sollicité par des publicités par téléphone.

    R d'un spectateur : Il faut demander à France Télécom de vous inscrire sur la liste orange. Pour les publicités reçues par courrier, on peut utiliser les enveloppes réponse, qu'elles soient préaffranchies ou non, pour retourner le tout à l'envoyeur, à ses frais.

    Q : La publicité utilise des oeuvres musicales ou artistiques et les met à disposition du public qui n'aurait pas de contacts avec elles sans ça.

    R : Il y a eu une politique culturelle à la télévision, dans les années 60, qui était efficace. Le système publicitaire, en normalisant notre goût, à un bilan globalement négatif sur ce point.

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    Q : Ce n'est pas facile de vivre au quotidien conformément à un objectif de décroissance. De plus, ces actes individuels ne suffisent pas, il faudrait une évolution collective.

    R : C'est vrai que tout le système est conçu pour que nous consommions le plus possible. On est pris dedans. Heureusement, on peut espérer que la déplétion du pétrole va tout bouleverser. En attendant, l'attitude individuelle de frugalité nous permet d'acquérir une liberté appréciable.

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