• Economie de proximité

    Economie de proximité :
    une chance pour l’écologie et la solidarité ?
    par Guy Hascoët


    Mercredi 30 mai 2007 à 20 h 30
    Salle polyvalente de Bezaumont

    Economie de proximité

     

    Entre cités dortoirs, lieux de travail et supermarchés, notre rythme de vie s’accélère pendant que l’état de la planète se dégrade. Préserver l’avenir nous commande de revoir l’aménagement de nos territoires pour un mode de vie plus économe et partageur.

    Guy Hascoët a participé, en 1984, à la création du parti politique Les Verts. Il occupera diverses responsabilités dans le mouvement, jusqu’au porte-parolat, de 1995 à 1997. Ni optimiste ni utopiste, il fait partie de ces hommes de terrain et d’action qui préfèrent tout essayer avant de s’avouer vaincu, qui privilégient le désir de vivre et la créativité plutôt que le repli sur soi et la panique stérile. Ancien député et ancien Secrétaire d’État à l’économie solidaire, créateur et président depuis 2002 de l’Académie du développement durable et humain, il met toute son énergie au service de l’innovation dans le domaine de l’écologie. Outre de très nombreux articles, il est l’auteur de "Le pouvoir est ailleurs" (Actes Sud, 1999).

     

    La population mondiale augmente sans cesse, et elle a tendance à consommer de plus en plus. Nous allons, dans les années qui viennent, être confrontés à un réel problème de pénurie des ressources. Nous vivons une période unique, mais nous n'avons pas pris conscience de l'importance de ce qui est en jeu et des changements que ça nous impose.

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    On ne peut plus nier l'existence du réchauffement climatique. Les recherches scientifiques montrent que la planète n'a jamais connu de changement aussi rapide. Il ne faut pas que nous dépassions une augmentation de 2 degrès, afin d'éviter des dérèglements très graves du climat. De toute façon, les possibilités agricoles vont être profondément modifiées par cette évolution.

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    Ce que nous appelons catastrophe naturelle ne l'est pas toujours. Nous avons modifié notre environnement et devons nous attendre aux conséquences de ces modifications. En particulier, nos activités rejettent beaucoup de CO2. Les pays industrialisés doivent diviser par quatre leurs rejets, qui sont causés par la fabrication des produits industriels, l'habitation et le chauffage des lieux de travail, la voiture et le transport des marchandises. L'industrie française a déjà beaucoup amélioré son rendement energétique, et on ne doit plus espérer des progrès importants.

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    On sait faire des bâtiment qui consomment très peu d'énergie, voire qui sont considérés comme neutres, car ils produisent autant qu'ils consomment. Il faudrait construire systèmatiquement ce type de bâtiments pour obtenir en 50 ans un parc d'habitation qui ne consomme plus d'énergie.

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    Financièrement, construire ce type de bâtiment crée des économies importantes. En France, on raisonne trop souvent sur des principes du passé. Nous avons déjà des équipements suffisants dans tous les domaines. Il faut penser maintenant à la pertinence et à l'efficacité des investissements. Nous devons cesser de gaspiller l'espace et les ressources, mais nous ne parvenons pas à adopter cette nouvelle façon de réfléchir.

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    Il faut être très vigilants sur les progrès techniques qui ne profitent qu'à quelques particuliers au détriment de l'intérêt collectif. Ainsi, on ne doit pas accepter la dissémination des OGM dans la nature. Mais la recherche génétique peut amener des solutions dans le domaine de l'énergie, qu'on ne doit pas rejeter a priori. Il faut accepter la complexité et les contradictions de notre monde.

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    En ce qui concerne nos déplacements, nous avons rapidement changé notre mode de vie. Nous nous déplaçons beaucoup plus, plus loin et plus vite. Nous avons un aménagement du territoire qui a augmenté les distances à parcourir quotidiennement. Nous devons réfléchir à la géographie du commerce. Dans le domaine professionnel, il y a des techniques qui permettent d'éviter d'aller chaque jour au bureau, ou de faire de nombreuses réunions.

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    La ville la plus compatible avec le développement durable à un densité proche de celle du 19e siècle. Il ne faut pas une trop grande concentration de l'habitat, mais l'étalement urbain entraîne des difficultés pour une bonne desserte en transports en commun, et donc l'usage exclusif de la voiture. Même quand on améliore le service de transports en commun, les gens continuent à prendre leur voiture par besoin de liberté.

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    L'agglomération de Lille a réfléchi à un concept de service de mise à disposition de voitures, qui est en route depuis quelques mois et doit permettre de réduire le nombre de véhicules en ville. Nous n'avons aujourd'hui plus besoin d'investir dans des équipements routiers, mais de mettre en place des solutions nouvelles de ce type.

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    Nous abordons une période d'inversion démographique. Les départs en retraite des dix années à venir ne seront pas compensés par le nombre de jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi. Ce changement est un défi auquel nous devons nous préparer. Face à l'ampleur du phénomène d'expansion démographique, il faut donner aux pays du sud les moyens de permettre à leurs habitants de vivre bien chez eux.

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    L'allongement de la durée de vie va provoquer un doublement de nos dépenses de santé, qu'il va falloir financer. Aujourd'hui, l'augmentation de notre PIB n'est plus liée systématiquement à celle de la consommation d'énergie. Une mutation économique est déjà en cours, dont nous ne savons pas tirer profit. Dans le domaine de l'agriculture, par exemple, nous avons injecté beaucoup d'argent pour finalement perdre une grande part des emplois, et garder les problèmes d'environnement.

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    Il est grand temps de faire le bilan de nos activités et d'analyser les cycles de production. Les distances longues peuvent se justifier dans certain cas. Mais il faut encourager les solutions locales quand elles existent. Nous disposons d'outils pour faire le bilan carbone de nos pratiques et rechercher une meilleure organisation de nos territoires et de nos moyens de production.

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    Guy Hascoët laisse la place aux questions du public.

    Q : Si on sait faire le bilan carbone d'un produit, on peut envisager un étiquetage de cette information, voire de l'inclure dans le prix du produit.

    R : On peut imaginer une TVA environnementale qui corrigerait la valeur du produit en fonction de son bilan. Dans le cadre du protocole de Kyoto, on a donné une valeur monétaire aux émissions de carbone évitées. Actuellement, le transport routier ne paye pas pour les infrastructures qu'il utilise et les pollutions qu'il génère. Les transporteurs routiers utilisent des chauffeurs étrangers, moins payés. Sur ce point aussi, les choses devraient être ramenées à leur juste prix. Il faudrait ainsi inclure dans le prix des produits la prise en charge des problèmes engendrés pour la société. On a aujourd'hui un brouillage des coûts qui ne nous aide pas à faire les bons choix.

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    Q : Les agriculteurs ont presque un quart de leurs revenus qui dépendent de la communauté européenne. Il n'est pas facile de se libérer de cette dépendance. Les réglementations rendent difficile la mise en place des filières courtes alternatives à la grande distribution. L'incitation est à l'augmentation de la taille des exploitations, du matériel et de l'usage des fongicides et herbicides. Il n'y a aucune mesure pour changer les choses.

    R : Sur quarante ans, le métier d'agriculteur s'est fortement modifié. Aujourd'hui, c'est l'agro-alimentaire qui profite de la valeur ajoutée au détriment des producteurs. La grande distribution souhaite des produits à bas prix. Après 1945, l'alimentation en Europe à été un problème pendant 20 ans. Nous avons gardé la logique productiviste qui se justifiait à l'époque, malgrès les surplus qui ont été produits par la suite. Il est grand temps de réorienter les efforts vers une recherche de qualité. Il faut faire le bilan complet, évaluer le coût pour la société des diverses exploitations. On a demandé beaucoup d'adaptations au monde paysan. En contrepartie, il y a eu une grande tolérance vis-à-vis des revendications des agriculteurs. Mais ce sont toujours les plus gros exploitants qui négocient, et les petits ne sont jamais bien défendus. Il y a eu quelques petites mesures pour encourager le qualitatif, mais elles sont insuffisantes.

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    Q : Les subventions incitent à polluer, et on a l'impression que le bon sens paysan est totalement perdu.

    R : En effet, on essaye par exemple d'empêcher les agriculteurs de produire de l'huile au profit du bioéthalol qui n'est pourtant pas du tout rentable sur le plan énergétique.

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    Ainsi on encourage toujours les lobbies déjà puissants. Les gros agriculteurs ont un très grand pouvoir. Mais la grande distribution recherche de plus en plus des produits de qualité peu chers et la concurrence des pays du sud et d'Europe de l'est devient très forte. Il faut remettre en place des filières courtes à débouchés locaux pour résister à cette tendance.

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    Q : On ne se pose pas assez souvent la question de nos besoins vis à vis des progrès technologiques. On préfère toujours les solutions qui nécessitent le plus de technique, et on n'utilise pas assez celles qui seraient les moins polluantes.

    R : On peut se passer de beaucoup de choses. Ca nécessite parfois des choix individuels lourds, mais on peut fortement réduire ses émissions de carbone. Il faudrait aussi que les gens qui prennent des décisions pour la collectivité fassent les bons choix. C'est le cas, en particulier, dans le domaine de la conception des bâtiments.

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    Q : Comment faire passer ces idées, face à des gens qui ont beaucoup d'argent, et donc de pouvoir ?

    R : L'évolution des choses ne vient jamais des gens en place. Dans le domaine de la construction automobile, ceux qui n'évoluent pas vers des modèles moins polluants sont en train de disparaître. La voiture individuelle telle que nous la connaissons ne peut pas se développer indéfiniment. Les grandes entreprises se croient éternelles, mais il faudrait qu'elles prévoient les difficultés d'approvisionnement en pétrole qui vont survenir d'ici 10 à 15 ans. Celles qui ne comprennent pas ça vont disparaître.

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    En tant que citoyen, on doit proposer des idées, essayer de mettre en place des alternatives qui feront école. Un projet concret qui donne des résultats finira forcemment par intéresser les élus. Les propositions sont parfois très longues à s'imposer, mais on constate que les bonnes solutions finissent par être utilisées et se répandre petit à petit. La notion de finitude du monde commence à entrer dans l'esprit des dirigeants d'entreprises et il faut poursuivre ce travail.

    Ecouter ce passage de 5 mn 21

    Q : La situation vis à vis de notre environnement est très grave. Les solutions basées sur les économies d'énergie ou les inovations techniques seront insuffisantes. Il faut absolument que nous comprenions que les ressources sont limitées et que nous ne pouvons pas avoir des désirs illimités. Mais la société de consommation nous a modelé de façon à ce que nous nous inventions sans cesse de nouveaux besoins.

    R : Il faut apprendre aux gens qu'on peut s'accomplir en dehors de la consommation, que l'"avoir" est moins important que l'"être". La consommation fonctionne sur un état de frustration permanente qui nous aliéne. Il est important d'essayer de comprendre ces mécanismes et de s'en distancer.

    Q : Il y a aussi en France beaucoup de gens qui ont du mal à se nourrir et qui sont loin de cette démarche de consommer moins et de choisir les produits sur d'autres critères que le prix.

    R : Il faut effectivement distinguer la satisfaction des besoins de base et les besoins inutiles.

    Q : La publicité utilise souvent l'argument environnement pour vendre. Elle fait pourtant beaucoup de mal. Certaines familles qui ont des difficultés financières font le choix d'avoir plusieurs portables, ou d'acheter des vêtements chers aux enfants, au détriment de l'alimentation.

    R : Il s'agit parfois de conformisme, de faire comme tout le monde. On amènera les gens à comprendre qu'on peut s'épanouir autrement par l'éducation. Il faut se demander quel modèle on fournit autour de soi. S'il y a une réponse politique à ce problème, elle est totalitaire, et je n'en voudrais pas.

    Q : La publicité n'a pas été remise en cause pendant la campagne électorale. Pourtant, elle incite à consommer, et elle favorise les grosses entreprises. Une petite entreprise n'a pas les même moyens que les multinationales pour faire sa publicité.

    R : L'indépendance de la presse et des médias n'a pas été débattue en France depuis 1944. Et c'est un vrai problème. Il faut trouver des mécanismes pour que la presse puisse fonctionner sans la publicité.

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    Q : Quels sont les moyens face à des télés qui ont perdu toute indépendance, pour une pédagogie et une réflexion sur nos besoins ?

    R : Sur les chaînes publiques, tous les sujets n'ont pas droit de cité. C'est la diversité des espaces qui pourra permettre à toutes les idées de s'exprimer. Tous les lieux doivent être investis petit à petit, toutes les occasions de faire évoluer les mentalités doivent être exploitées. Le mileu associatif doit s'organiser pour se donner les moyens d'avoir une influence, et cesser d'avoir un comportement victimaire face aux lobbies puissants, afin de faire naître l'espoir.

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